Jour du Souvenir 2016
- Geneviève
- 22 nov. 2016
- 2 min de lecture

J'ai projeté cette image aux membres du Club et je leur ai demandé de laisser libre court à leur inspiration.

Journal de bord d’un ancien combattant
11 novembre 1920
Si je ferme les yeux, je les vois encore. Les corps de mes amis. Ceux des hommes et des femmes de l'escouade, gisant çà-et-là. Je peux encore détailler chacun de leurs traits avec précision. Les yeux verts de Laura-Lee, vides et froids, tournés vers le ciel; la terre qui recouvrait le visage figé de Samwell; Jon, percé d’une dizaine de balle; les morceaux éparpillés de la carcasse de Johanne. Les autres, pour la plupart, m’étaient méconnaissables.
Si je m’allonge dans le silence de mon lit, la nuit, je les entends encore. Les cris qui me donnaient envie de me terrer dans un trou jusqu’à la fin de la bataille. Les coups de feu qui ajoutaient chaque fois un nom à la liste déjà ridiculement longue des victimes mortes en vain.
Et si je ne fais rien que tenter de vivre ma vie, c’est la douleur qui m’assaille. Celle de mes jambes amputées. De mon dos brisé. De mon esprit rompu. Je ressens encore l’attente, ces heures de solitude, effondré sur les corps d’amis ou d’inconnus, d’alliés ou d’ennemies, à me demander si quelqu’un viendrait pour moi ou si l’on m'abandonnerait là comme le monstre égoïste et sans coeur que j’étais.
Je n’aime pas me rappeler et pourtant ma mémoire se refuse à oublier. Je ne veux plus penser aux gens que j’ai tué et que j’ai vue se faire tuer sans lever le petit doigt pour les aider, car c’était eux ou moi.
Je ne veux plus. Je ne peux plus. Je n’en ai plus l’énergie.
Ce jour du 11 novembre marque la fin de deux guerres. La Première guerre Mondiale et celle que je mène sans relâche contre moi-même. J’en ai finis de me battre, quoi qu’en dise ma femme. Qu’elle me traite de lâche. Je ne veux pas que mon fils grandisse auprès d’un meurtrier.
Le coeur meurtrie par les regrets passés, je regarde la petite maison jaune rétrécir dans le rétroviseur. Elle disparaît de ma vue, comme je m’élance sur la route déserte avec l’espoir que l’oubli m’attende tout au bout.
Alex-Anne Dufour

Lorsque son corps se rappelle, il se raidit
Le couvert de la nuit échappe encore des cris
Le souvenir ancré au plus profond de lui
Les sueurs trempent ses courtes nuits
Le coquelicot lui ramène des odeurs de sang
Toujours présentent dans son cortex limbique
Aujourd'hui, avec l'assistance de sa petite fille
il se rendra Place des anciens combattants
rendre hommage à ses frères d'armes

Il existe des jours pour se guérir
et d'autres pour se souvenir...
Geneviève
11 novembre 2016

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